Ecclésiastique 24

Extraits des “Gloires de Marie” de Saint Alphonse de Liguori

(Eccli. 24, 5) Je suis sortie de la bouche du Très-Haut; je suis née avant toute créature.

“Les saints interprètes, les saints pères, et l'Eglise elle-même, dans la fête de sa Conception, appliquent unanimement ce passage à Marie; car, soit que Marie fût première-née, parce qu'elle fut prédestinée en même temps que son fils dans les décrets divins, avant toutes les créatures, comme le veut l'école des scotistes, soit qu'elle fût première-née de la grâce, comme prédestinée pour être la mère du Rédempteur depuis la prévision du péché, comme le veut l'école des thomistes, ils ne s'accordent pas moins tous ensemble à l'appeler la première-née de Dieu.”

(Eccli. 24, 6) C'est moi qui ai fait lever dans le ciel une lumière inextinguible.

“Ainsi la fait parler le cardinal Hugues, en lui appliquant ces paroles du même chapitre de l'Ecclésiastique, c'est-à-dire : ‘J'ai fait briller dans les cieux autant de lumières éternelles que je compte de serviteurs.’ Aussi, ajoute le même auteur, un grand nombre de saints sont dans les cieux par l'intercession de Marie, qui sans elle n'y seraient jamais entrés.”

(Eccli. 24, 8) J'ai fait seule le tour du ciel, j'ai pénétré la profondeur de l'abîme, j'ai marché sur les flots de la mer.

“Le P Segneri, dans son livre intitulé : Divoto di Maria, appliquant à Marie, avec l'Eglise, ces paroles de l'Ecclésiastique : ‘J'ai seule parcouru le contour des cieux,’ ne fait pas difficulté de dire : ‘De même que la première sphère des cieux, par son mouvement, fait mouvoir toutes les autres sphères, ainsi lorsque Marie se met à prier pour une âme, elle fait en sorte que tout le paradis se joigne à elle pour prier.’ Bien plus, dit saint Bonaventure, en sa qualité de reine, elle commande alors à tous les anges et à tous les saints de l'accompagner et d'unir tous ensemble leurs prières aux siennes.”

“Cette divine mère fit la révélation suivante à sainte Brigitte : ‘Je suis la mère de toutes les âmes qui sont retenues dans le purgatoire; puisque pendant tout le temps qu'elles y passent, les peines qu'elles ont méritées par leurs fautes commises durant leur vie, sont à toute heure soulagées de manière ou d'autre par mes prières.’ Cette mère compatissante ne dédaigne même pas quelquefois d'entrer dans cette sainte prison, pour visiter et consoler ses filles affligées. J'ai pénétré dans les profondeurs de l'abîme, dit-elle au chapitre xxiv de l'Ecclésiastique, et saint Bonaventure lui fait l'application de ce passage en l'expliquant ainsi : De l'abîme, c'est-à-dire du purgatoire, afin de soulager par ma présence ces saintes âmes.”

“Saint Bernardin de Sienne dit que dans cette prison où gémissent des âmes épouses de Jésus-Christ, Marie a comme un haut domaine et une pleine puissance, soit pour les soulager, soit même pour les délivrer entièrement de leurs peines. Et d'abord, quant au pouvoir de les soulager, le même saint fait ici l'application de ces paroles de l'Ecclésiastique : ‘J'ai marché sur les flots de la mer.’ C'est-à-dire, comme il l'explique, j'ai visité et soulagé dans leurs besoins et leurs tourments mes serviteurs, qui sont pour moi autant de fils. Saint Bernardin fait observer que les peines du purgatoire sont comparées aux flots, parce qu'elles sont passagères, à la différence des peines de l'enfer qui ne passent jamais; et aux flots de mer, parce que leur amertume est excessive. Les serviteurs de Marie qui ont à subir ces peines sont souvent visités et soulagés par elle.”

(Eccli. 24, 11) parmi tous ces peuples j'ai cherché un lieu de repos, et une demeure dans l'héritage du Seigneur.

“La sainte Eglise applique à cette divine Mère les paroles tirées du chapitre xxiv de l'Ecclésiastique, et lui fait dire pour la consolation de ses serviteurs : ‘J'ai cherché en tous mon repos, et je fixerai mon séjour dans l'héritage du Seigneur.’ Heureux donc, dit le cardinal Hugues en commentant ce texte, heureux celui dans la demeure duquel la sainte Vierge aura trouvé son repos. C'est-à-dire que Marie, en vertu de l'amour qu'elle nous porte à tous, cherche à faire régner dans tous les cœurs la dévotion dont elle est l'objet; mais plusieurs la rejettent ou ne la conservent pas; heureux celui qui la reçoit et l'entretient. ‘Je ferai mon séjour dans l'héritage du Seigneur.’ C'est-à-dire, ajoute le docte Paciucchelli, dans ceux qui sont l'héritage du Seigneur, et qui le loueront éternellement dans les cieux.”

(Eccli. 24, 12-13) Celui qui m'a créée a reposé dans ma tente. Et Il m'a dit : Habite dans Jacob, qu'Israël soit ton héritage, et prends racine parmi Mes élus.

“Mon créateur a daigné venir se reposer dans mon sein; il a voulu que j'habitasse dans les cœurs de tous ses élus (figurés par Jacob, et qui sont l'héritage de la Vierge), il a décrété que la dévotion et la confiance envers moi s'enracineraient profondément dans le cœur de tous les prédestinés.”

(Eccli. 24, 14) je ne cesserai point d'être dans la suite des âges; et j'ai exercé devant Lui mon ministère dans la maison sainte.

“Selon le Commentaire du cardinal Hugues, je ne cesserai pas, dit Marie, jusqu'à la fin du monde de secourir les hommes dans leurs besoins, et de prier pour les pécheurs, afin qu'ils se sauvent, et qu'ils soient délivrés de la misère éternelle.”

(Eccli. 24, 16) J'ai pris racine au milieu du peuple glorifié, dont l'héritage est le partage de mon Dieu, et j'ai établi ma demeure dans l'assemblée des saints.

“Saint Bonaventure explique cet autre texte qu'on lit dans l'office de Marie : ‘Ma demeure est dans la plénitude des saints;’ et il dit que Marie non-seulement réside dans l'assemblée des saints, mais qu'elle maintient les saints, afin qu'ils ne retournent pas en arrière; elle conserve leurs vertus, afin qu'elles ne viennent pas à défaillir; elle enchaîne les démons, afin qu'ils ne leur nuisent pas.”

(Eccli. 24, 17) Je me suis élevée comme le cèdre du Liban.

“Elle est comparée au cèdre; et cela non-seulement parce que Marie a été exempte de péché, de même que le cèdre est préservé de la corruption; mais aussi par la raison qu'en donne le cardinal Hugues en commentant ce passage, savoir, que la sainteté de Marie met en fuite les démons, comme l'odeur du cèdre met en fuite les serpents.”

(Eccli. 24, 18) Je me suis élevée comme le palmier de Cadès.

“On sait que la palme est le signe de la victoire; et voilà pourquoi notre reine a été placée à la vue de tous les potentats, sur un trône élevé, d'où elle s'élève comme une palme, en signe de la victoire que peuvent se promettre tous ceux qui se rangent sous son patronage.”

“Dans la Judée, l'arche était un moyen d'obtenir la victoire. C'est ainsi que Moïse triomphait de ses ennemis (Nom. 10, 35); c'est ainsi que Jéricho fut réduite; c'est ainsi que les Philistins furent vaincus (1 Sam. 14, 18). Or, on sait que l'arche était la figure de Marie. De même que dans l'arche se trouvait la manne, ainsi en Marie se trouve Jésus également figuré par la manne; et c'est par le moyen de cette arche que nous obtenons la victoire sur tous les ennemis que la terre et l'enfer arment contre nous.”

(Eccli. 24, 19) Je me suis élevée comme un bel olivier dans la campagne, et comme le platane au bord des eaux sur le chemin.

“Marie est comparée à l'olivier. Car de même que le fruit de l'olivier ne produit autre chose que de l'huile (symbole de la miséricorde), ainsi des mains de Marie il ne peut sortir autre chose que des grâces et des miséricordes. C'est donc à juste titre, dit le vénérable Louis du Pont, qu'on peut appeler Marie la source de l'huile, car elle est la mère de la miséricorde.”

“La sainte Vierge est comparée au platane qui élève sa cime le long des courants d'eau. Le cardinal Hugues observe là-dessus que le platane a ses feuilles semblables aux boucliers : et l'on peut comprendre par là comment Marie prend la défense de ceux qui cherchent en elle leur refuge. Le bienheureux Amédée donne une autre explication, et dit qu'elle s'appelle platane, parce que de même que le platane par l'ombre de ses rameaux protège les voyageurs contre la chaleur du soleil et contre la pluie, de même aussi sous le manteau de Marie les hommes trouvent un abri contre l'ardeur des passions et la fureur des tentations.”

(Eccli. 24, 23) Comme la vigne j'ai poussé des fleurs d'une agréable odeur, et mes fleurs donnent des fruits de gloire et d'abondance.

“De même que tous les reptiles venimeux fuient loin des vignes en fleur, de même les démons fuient les âmes fortunées qui répandent l'odeur de la dévotion envers Marie.”

(Eccli. 24, 24) Je suis la mère du bel amour, de la crainte, de la science et de la sainte espérance.

“Marie obtient à ses serviteurs par son intercession, les dons de l'amour divin, de la sainte crainte, de la lumière céleste, et de la sainte confiance.”

(Eccli. 24, 25) En moi est toute la grâce de la voie et de la vérité; en moi est toute l'espérance de la vie et de la vertu.

“ ‘En moi est toute la grâce de la voie et de la vérité.’ Elle dit, ‘de la voie,’ parce que toutes les grâces que reçoivent les hommes dans ce voyage de la terre leur sont dispensées par Marie; ‘de la vérité,’ parce que la lumière de la vérité se donne par Marie. L'Ecclésiastique fait dire ensuite : ‘En moi est toute l'espérance de la vie et de la vertu;’ ‘de la vie,’ parce que nous espérons obtenir par Marie la vie de la grâce en ce monde et la gloire du ciel; ‘de la vertu,’ parce qu'on acquiert par Marie toutes les vertus, et spécialement les vertus théologales, qui sont les principales vertus des saints.”

“A propos de la parabole du champ où est caché un trésor, qu'on doit acheter à tout prix, comme le dit notre Seigneur, quand on l'a trouvé (Matt. 13, 44), saint Bonaventure dit que ce champ est notre reine Marie, où est caché le trésor de Dieu, qui est Jésus-christ, et avec Jésus-Christ la source et la fontaine de toutes les grâces. Saint Bernard avait dit d'avance que le Seigneur a mis entre les mains de Marie toutes les grâces qu'il voulait nous dispenser, afin que nous sachions que tout ce que nous recevons de biens, nous le recevons par ses mains. Et Marie elle-même nous en assure, en disant : ‘En moi est la grâce de toute voie et de toute vérité,’ comme pour nous dire : O hommes, en moi sont tous les vrais biens que vous pouvez désirer en votre vie.”

(Eccli. 24, 26) Venez à moi, vous tous qui me désirez, et rassasiez-vous de mes fruits.

“Les fruits de Marie sont ses vertus.”

(Eccli. 24, 30) Celui qui m'écoute ne sera pas confondu, et ceux qui agissent par moi ne pécheront point.

“S'il est vrai, comme je le tiens pour certain, que toutes les grâces que Dieu nous accorde passent par les mains de Marie, il sera vrai aussi que nous ne pourrons obtenir autrement que par l'entremise de Marie la plus grande de toutes les grâces, celle de la persévérance : et nous l'obtiendrons certainement, si nous la demandons toujours avec confiance à Marie. Elle-même l'a promise à tous ceux qui la servent fidèlement en cette vie : ‘Ceux qui agissent en union avec moi ne pécheront point : ceux qui publient ma gloire, auront la vie éternelle.’ Tel est le langage que lui met à la bouche la sainte Eglise dans ses offices.”

(Eccli. 24, 31) Ceux qui me mettent en lumière auront la vie éternelle.

“Saint Bonaventure déclare que ceux qui s'occupent à publier les gloires de Marie sont assurés du paradis. Ce que Richard de Saint-Laurent confirme par ces paroles : ‘Honorer la reine des anges, est la même chose que faire l'acquisition de la vie éternelle.’ Car, ajoute-t-il, ‘cette reine, pleine de reconnaissance, n'aura rien plus à cœur que d'honorer dans l'autre vie ceux qui l'auront honorée dans celle-ci.’ Et qui ne connaît cette promesse de Marie elle-même à ceux qui s'attachent à la faire connaître et aimer sur la terre : ‘Ceux qui publient mes louanges auront la vie éternelle.’ Ce sont les paroles que l'Eglise applique à Marie dans la fête de son Immaculée Conception. Réjouis-toi, ô mon âme, disait saint Bonaventure qui se montra si zélé à publier les louanges de Marie, réjouis-toi, ô mon âme, et mets en elle ta joie; car des biens sans nombre sont réservés à ceux qui publient ses louanges. Et puisque les divines Ecritures, ajoutait-il, sont remplies des louanges de cette divine mère, faisons-nous un devoir de célébrer Marie et de cœur et de bouche, afin qu'un jour elle nous conduise au royaume des bienheureux.”